Chroniques

par gilles charlassier

Große Messe für Bach und Luther
Hildebrandt Consort et Consort Brouillamini

Bach en Combrailles / Églises de Pontaumur et de Miremont
- 8 et 9 août 2017
au festival Bach en Combrailles, Wouter Dekoninck et son Hildebrandt Consort
© antoine thiallier

Depuis qu'il a repris le festival Bach en Combrailles l'an dernier [lire notre chronique du 10 août 2017], Vincent Morel n'hésite pas à expérimenter, dans les formats – à l'instar des nocturnes qu'il a initiés, qui compteront cette année les deux volets de Die Kunst der Fuge par Jean-Luc Ho, artiste en résidence – comme dans les audaces de programmation, non tant dans le répertoire, même si des ponts entre le Cantor de Leipzig et la création contemporaine sont à l'étude, que dans l'effectif.

Si, en effet, la réplique de l'orgue d'Arnstadt, à Pontaumur, sert de manière consacrée les auditions de midi, on se gardait de l'utiliser en continuo pour de simples raisons de diapason, très haut – 465, voire un peu plus, au gré de la stabilité de l'instrument et des conditions climatiques. La gageure n'a pas effrayé Wouter Dekoninck et son Hildebrandt Consort, tous placés sur la tribune, pour une initiative non moins estimable : la transcription de la troisième partie de la Clavier-Übung pour en faire une Große Messe für Bach und Luther, datée de 1739 d'après le matériau princeps. La double innovation rencontre néanmoins les réalités acoustiques de la chaleur estivale, malmenant la première partie de soirée, avec la Missa brevis en sol majeur BWV 236, après un introductif mouvement final du Concerto pour orgue et orchestre BWV 1058, transcrit par le chef belge.

Sans mettre en doute la musicalité des pupitres, les défis multiples altèrent inévitablement les hauteurs – l’hautboïste Paul Dombrecht a passé une partie de la journée à gratter ses anches pour relever son diapason, mais le fruité du phrasé ne peut compenser toute la résistance des notes. Les nombreux éclairages solistiques ponctuant la partition exposent encore davantage voix et ensemble orchestral, qui se révéleront mieux consonants dans la seconde partie, la Große Messe, profitant également d'une bienvenue régulation thermique apportée par la tombée de la nuit. Les quatre gosiers se bonifieront dans l'écriture plus chorale de cette fresque savamment reconstituée, le collectif corrigeant les limites des individualités. On retiendra les étagements fugués, habilement calibrés, du Kyrie ou encore la dynamique eucharistique vers la Lobpreisung (Agnus Dei), quand on pourra préférer l'intensité éclatante du Gloria de la BWV 235 au présent luthérien, scandé par deux Sinfonia (BWV 624 et BWV 662).

Le lendemain à Miremont, un autre imprévu donne quelques sueurs à l'organisation du festival. Forfait pour blessure dirimante au poignet, le récital de la violoniste Alice Julien-Laferrière est remplacé par un quintette de flûtes à bec, le Consort Brouillamini, jeune ensemble qui en profite pour faire l'heureuse promotion de son dernier album, Flûtes en fugue (Paraty), constitué des transcriptions de pages de Bach réalisées par Guillaume Beaulieu. Au delà du florilège de concerti revisités, qui dans la transsubstantiation des timbres ne perdent guère en complexité harmonique, ramenée à une lisibilité renouvelée, l'attraction de l'après-midi tient sans doute à une flûte basse aux allures de basson qui assume un continuo aussi discret qu'efficace. Mentionnons, pour finir, le concert de motets de la dynastie Bach par Vox Luminis déjà relaté l'an dernier [lire nos chroniques du 17 juillet et du 30 mai 2017].

GC