Chroniques

par stéphanie cariou

Giovanna d’Arco | Jeanne d’Arc
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra de Rennes
- 19 novembre 2004
une rareté de Verdi : Giovanna d'Arco à l'Opéra de Rennes
© opéra de rennes

Giovanna d’Arco, écrit en 1844-45, fut présenté le 15 février 1845 à la Scala de Milan, à l’époque des répétitions des Lombardi. Le compositeur traversait alors une période difficile, ce qui explique que l’œuvre est restée en-deçà de ses ambitions. La création rencontra des difficultés, en partie à cause des chanteurs (caprices, incapacités à assumer les rôles, opinions politiques dérangeantes). La critique fut plutôt tiède mais l’opéra, accueilli avec enthousiaste par le public, resta populaire, les airs les plus faciles se voyant chantés dans les rues.

Le livret fut écrit par le Ferrarais Temistocle Solera d’après Die Jungfrau von Orleans de Friedrich Schiller (qui devait également inspirer Luisa Miller au même Verdi), ce texte qui féconderait Tchaïkovski trois décennies plus tard (Орлеанская дева), avec des modifications notables : dans l’œuvre originale, Jeanne D’Arc est un personnage inflexible, qui redonne courage au Roi et n’hésite pas à éliminer ceux qui sont un obstacle à ses ambitions. Elle éprouve cependant un moment de faiblesse face à un Anglais, lors d’un combat ; ici, le personnage de Giovanna, considérablement adouci, s’éprend de son Roi qui l’aime en retour. Elle devra renoncer à l’amour pour défendre sa patrie. Son père, pensant que la piété de sa fille a disparu, la trahit en la livrant aux Anglais. Se rendant compte de son erreur, il la délivre afin que Giovanna reparte combattre. Elle ne meurt pas sur le bûcher, mais blessée par une flèche, puis reparaîtra transfigurée. Le librettiste a supprimé de nombreux personnages (duc de Bourgogne, reine Isabeau) pour centrer la pièce sur l’héroïne, son père Giacomo et le roi Charles VII.

Rennes avait proposé un superbe Ballo in maschera, il y a deux saisons. La présente production est tout aussi magnifique. Le décor est assez sobre : une grande muraille s’ouvrant et se refermant selon les scènes. Le metteur en scène Christophe Galland révèle parfaitement le côté mystique de l’œuvre, grâce à des éclairages judicieux : au début, ce sont les bougies des pleureuses qui éclairent la scène, puis un fond d’écran bleu nuit, figurant lune et neige, lorsque les anges rappellent Giovanna à son devoir et que les démons l’invitent à céder à l’amour terrestre ; enfin, quand la jeune fille est transfigurée. Lors de la scène du couronnement, la muraille est entrouverte par une banderole blanche. Les costumes sont réalistes.

Les trois protagonistes sont idéaux : Guylaine Girard, avec sa voix superbe, est totalement investie dans le rôle de la courageuse jeune femme, ses peurs, ses doutes et sa passion. Luca Lombardo livre un Charles VII attachant, aux sentiments nobles et généreux. Quand à Fabio Previati – qui, avec un formidable abattage, chantait le rôle de Nikalanta (Lakmé), autre père abusif, la saison précédente dernière –, il interprète Giacomo avec grand engagement.

Antonino Fogliani dirige avec vivacité et clarté l’Orchestre de Bretagne. Le chœur est conduit avec conviction, chaque pupitre assumant sa partie avec brio. Les Musiciens de la Banda, un orchestre de vents (bois et cuivres) avec percussions, sont également formidables.

SC