Chroniques

par jérémie szpirglas

Galantes scènes
spectacle de Dirk Opstaele

ANO / Théâtre Graslin, Nantes
- 25 mars 2010
Galantes scènes, spectacle de Dirk Opstaele
© jef rabillon | ano

Quand on pense à la Commedia dell'arte, on pense aux masques, au burlesque, aux facéties d'Arlequin, à l'avarice de Pantalon. On pense à Pierrot et sa poésie lunaire, aux caricatures et traits grossiers, à la fantaisie et l'acrobatie de l'improvisation. Quelque chose d'intemporel en somme. On oublie trop souvent que ces personnages – et ces situations – archétypaux étaient au contraire constamment remis au goût du jour, adaptés à l'époque, et prétexte à des satires parfois fort grinçantes de la société qui les voyait naître. Et on oublie aussi beaucoup trop souvent que les spectacles étaient aussi musicaux – avec nombres d'interludes et d'intermèdes.

C'est ce qu'ont bien voulu rappeler le metteur en scène Dirk Opstaele et ses comédiens saltimbanques (au sens le plus noble du terme) de l'ensemble Leporello qui ont conçu, pour Angers-Nantes-Opéra et en collaboration avec l'ensemble Stradivaria dirigé par le violoniste Daniel Cuiller, un délice de spectacle, feu d'artifice de théâtre et de musique – Galantes Scènes.

On est prévenu dès l'ouverture du spectacle (et même avant, avec les clowneries et les mimes des comédiens, déjà en scène pendant l'entrée du public), qui suit peu ou prou le canevas musical de la Serva Padrona de Pergolèse et celui, théâtral, d'Arlequin poli par l'amour de Marivaux. Le fort joli baryton Franck Leguérinel, qu'on retrouve là avec plaisir, et la piquante soprano Virginie Pochon nous promettent musique, théâtre et bouffonneries en tout genre – tout en nous rassurant : tout se terminera bien.

Alternant airs, pantomimes et jouissives logorrhées verbales, Galantes Scènes met à jour la Commedia dell'arte (comme on mettrait à jour un logiciel, pour qu'il fonctionne au mieux). Pour meubler les intermèdes, mais aussi pour illustrer les dialogues – qu'il accompagne à la manière d'un récit d'opéra – Daniel Cuiller convoque tour à tour, en plus du jeune Pergolèse, Rameau, Cimarosa, Francœur, mais aussi des airs de variété ou de musique traditionnel. Endossant pour Dirk Opstaele le costume que Jean-Joseph Mouret portait pour Marivaux, il s'amuse comme un fou, improvise et compose avec les comédiens, dynami(s/t)e les partitions avec ce sens de l'iconoclastie qui ne peut que venir d'une profonde tendresse.

L'intrigue est simpliste – les amours d'Arlekiss (mélange d'Arlequin et d'adolescent sauvage) et de la soubrette Sylvine sont troublés par la passion de la puissante Madame de Fée pour le jeune garçon – et les ficelles sont grossières, mais la réalisation est si pleine de bonne humeur et de tact, jouée avec tant de naturel et de fraîcheur, dénuée de toute arrière pensée, que même les quelques gags qui semblent un peu longs (et lourds) sont bien vite passés.

JS