Chroniques

par laurent bergnach

Ensemble Héliade
sept pièces pour chœur féminin

Opéra national de Montpellier / Le Corum
- 19 février 2011

Voilà plus de dix ans, Elène Golgevit fondait l’ensemble vocal féminin Héliade qu’elle dirige ce samedi, en fin d’après-midi, dans un programme cosmopolite rassemblant sept compositeurs, dont le Russe d’origine allemande Alfred Schnittke (1934-1998). En 1972, ce dernier écrit Voix de la Nature Голоса природы, prononcer Golosa prirody –, une vocalise pour chanteuses (cinq soprani, cinq alti) et vibraphone. Reflétant un engagement spirituel certain, cette courte pièce de cinq minutes, créée en public au printemps 1975 (Moscou), avait pour vocation d’accompagner les images oniriques d’un documentaire de Mikhaïl Romm.

Pour Patrick Burgan (né en 1960), créateur fécond et décomplexé – « Si j’ai besoin d’une plage tonale, je l’utilise. Si j’ai besoin d’un matériau sériel très chromatique, je m’en sers aussi » –, l’œuvre est la « mise en vibration [d’une] énergie fondamentale qui préexiste ». Commande du Florilège vocal de Tours, Naissances (2000) lui permet de mettre en musique quatre de ses propres poèmes – Rêves, Flammes, Hallucinations et Glissements. Douze voix livrent des phrases qui entremêlent leur diversité sémantique, s’unissent dans un flux vaillant ou se font plus syncopées.

« Les incantations formulées par la foule […], la répétition obstinée qui génère la transe, et enfin l’acmé suivie de l’extase, sont autant de caractéristiques qui ont leur place dans Iôa », explique Christophe Bertrand (1981-2010) qui conçoit cette pièce de 2003 comme un rituel imaginaire et magique non dénué d’érotisme – les mots de Sappho alternent avec vocalises, onomatopées et chuchotements. Ce crescendo dynamique et rythmique pour huit femmes, injustement retiré du catalogue, s’accompagne de crotales à la présence discrète et métaphorique.

Témoin de nombreuses avant-gardes, Yves-Marie Pasquet (né en 1947) confie « aller vers une écriture moins calculée, moins abstraite ». En 2006, un Magnificat (en français) pour soprano, guitare et célesta voit le jour. L’année suivante, en parallèle d’une Messe de Notre dame des Neiges, l’ancien élève de Dutilleux et Messiaen livre un cantique éponyme – cette fois en latin – pour chœur, harpe, vibraphone et cloches-tubes, créé le 8 août 2009. Sereinement animé, sensuel par moments, le Magnificat s’achève sur un alleluia brillant, d’abord collectif, puis solo.

La seconde partie du programme permet d’entendre Zwei Beter (1998), brève partition tendrement expressive de l’Estonien Arvo Pärt (né en 1935) associé au mouvement minimaliste, ainsi que Festo Pentecostes du Norvégien Knut Nystedt (né en 1915), marqué par un attachement familial au sacré mais tout autant soucieux de recherches. Le concert s’achève avec Chants (1973) du Québécois Claude Vivier (1948-1983). Durant une vingtaine de minutes, dans ce « rituel de mort » qu’on nous annonce, sept voix mêlent langues variées – dont une inventée –, avec des échos de Laborintus et Cinq rechants.

LB