Chroniques

par laurent bergnach

Edgar Varèse 360°
sous la direction de Péter Eötvös

Festival d'Automne à Paris / Salle Pleyel
- 3 octobre 2009
Edgar varèse, photographié au Mexique en 1926 (Fondation Sacher, Bâle)
© fondation paul sacher

On sait l’attrait et l’affection de Péter Eötvös pour la musique pleine d’énergie d’Edgar Varèse puisqu’en mai 2004, dirigeant Ecuatorial et Déserts à Paris, il confiait à Philippe Lalitte : « J’adore diriger Varèse, j’aime le côté sauvage de sa musique. Les accords, les tempi, les rythmes, c’est ce que je pourrais prendre comme base de ma pensée musicale, même si je suis complètement différent dans la production de ma musique. En tant qu’idole, Varèse est l’une des figures qui comptent le plus pour moi. J’aime son côté paysan. On ne peut pas l’enfermer dans un style, dans un siècle. C’est une musique qui existe depuis toujours, à la fois ancienne et éternelle » [in Accents n°23].

Aujourd’hui, sous la direction du Hongrois, Edgar Varèse 360° propose l’intégrale de son œuvre en deux concerts réunissant la Cappella Amsterdam, l’Asko|Schönberg Ensemble et l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Rappelons qu’entre les œuvres perdues par la poste (Les Cycles du nord, 1913), détruites par un incendie ou par lui-même (Bourgogne, 1910), c’est un peu plus de quinze partitions qui seront jouées, dont certaines orchestrées et/ou achevées par Chou Wen-chun, assistant proche de Varèse de 1949 à 1965 – Étude pour espace, Dance for Burgess, Nocturnal, etc.

Entre l’ouverture à cet hommage que constitue le saisissant Hyperprism (1923) et le final d’Amériques (version de 1927) largement ovationné, Péter Eötvös mène peu à peu Octandre (1923) de l’apaisement à l’agitation, envoûte par sa direction délicate et soyeuse d’Offrandes (1921) et séduit par des pupitres bien différenciés dans Intégrales (1924). On apprécie moins le soprano Anu Komsi, en particulier dans Un grand sommeil noir (1906), dont le chant clair et nuancé souffre d’aigus métalliques et de graves exsangues.

Sur trois écrans qui surplombent la scène, parfois sur les murs, se succèdent des formes générées par ordinateur, des prises de vues hétéroclites (mosaïque de la Salle Pleyel, paysage vallonné, mélomanes avec casque d’écoute, etc.) et quelques maximes (« This music knows you cannot close your ears », « Listening beyond sense frees the senses », etc.). La soirée frôle la perfection sans la mise en espace et la création d’images signées Gary Hill. Outre la pauvreté des propositions du Californien (le moindre vidéoclip de pop music est plus créatif), comment ne pas s'agacer de celles qui frisent l'humour décalé lorsque ce n'est le contresens : moutons qui broutent (Varèse détestait la campagne…) et instruments qu’on maltraite à coup de fouet (quand tant de poncifs circulent sur la musique contemporaine). Recourir au multimédia pour un résultat aussi insipide et prétentieux, c’est embecquer – selon les mots de Pierre Boulez – « les mirages de la vacuité ».

LB