Chroniques

par bruno serrou

cycle Mahler | Gergiev : Symphonies n°4 et n°6
Orchestre du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg

Salle Pleyel, Paris
- 13 décembre 2010
© dr

Quatrième volet, devant une salle loin d’être comble, du cycle Gustav Mahler dirigé par Valery Gergiev (lire nos chroniques des 11 et 12 décembre]. À la tête de son Orchestre du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg aux sonorités si caractéristiques - rêches, taillées à la serpe, souvent aléatoires mais virtuoses malgré quelques approximations -, le chef russe découpe les œuvres de Mahler en plans séquence et en strates sonores plutôt décousus, ce qui nuit à la conception d’ensemble, effaçant toute globalité et toute continuité de la narration. Ce manque d’homogénéité dénature totalement la Symphonie en sol majeur n°4 (1899-1901) qui s’en trouve vidée de sens au point de vite devenir fastidieuse, jusques et y compris le sublime Ruhevolle, ce soir long mouvement plane et sans vie, tandis que le finale n’a rien de paradisiaque, malgré le beau soprano Anastasia Kalagina, un peu trop charnelle, mais qui sait faire fi de l’instabilité de la battue imprécise et changeante d’un Gergiev qui ne quitte pas la partition des yeux.

L’extraordinaire Symphonie en la mineur n°6 « Tragique » (1903-1904), que d’aucuns considèrent à juste titre comme la plus grande symphonie de l’histoire de la musique,commence avec la même imprécision, plongeant trop souvent dans la cacophonie l’ample et sombre Allegro sostenuto initial. Idée contestable mais de plus en plus usitée sous prétexte que le compositeur lui-même hésitait, Gergiev place l’Andante en deuxième position, repoussant l’obstiné et virulent Scherzo en troisième, allant a contrario de son penchant naturel pour la dramatisation. Le mouvement lent, évocation champêtre du bonheur avant le drame qu’il annonce, se conclut dans le même climat que celui qui enserre le début de l’hallucinant finale, tandis qu’au contraire le Scherzo prolonge, voire amplifie, l’élan et les grimaces du mouvement initial.

Etonnamment, Valery Gergiev se retient et atténue les contrastes, se montre trop pudique dans les passages sentimentaux, pas assez onirique dans les admirables plages poétiques. Mais il sait fort à propos se faire dramatique, surtout dans le finale. Ainsi, la course frénétique et désolée à l’abime de cet immense et implacable mouvement, brisée à trois reprises par autant de coups du destin, emporte la fin de ce concert sur les cimes.

BS