Chroniques

par laurent bergnach

création du Stabat Mater d’Ivan Fedele
Les Percussions de Strasbourg et Les Éléments

Why Note / Auditorium, Dijon
- 25 novembre 2007

Deux formations se réunissent aujourd’hui pour clore cette douzième édition de Why Note : Les Percussions de Strasbourg – sur scène depuis quarante-cinq ans, cette année – et le Chœur de chambre Les Éléments qui, depuis 1997, sous la direction de son fondateur Joël Suhubiette, interprète la musique des XXe et XIXe siècles, ainsi que l’oratorio et le grand répertoire choral des temps passés. C’est une commande de ce dernier au Libanais Zad Moultaka (né en 1967) qui ouvre le concert.

Soliste durant de nombreuses années – il étudie avec Madeleine Médawar, Aldo Ciccolini, etc. –, Moultaka se consacre exclusivement à la composition depuis 1993, ce qui l’amène à une longue période de recherche et de questionnement, contrarié par l’impossible synthèse entre l’écriture savante occidentale et les éléments de transmission orale arabe. Entre Anashid, inspiré par le Cantique des Cantiques, et Jerusalem, grande pièce à venir, le compositeur nous convie à « un monde sonore souterrain, traversé de courants telluriques » : La Scaladel cielo (2006), sur des extraits du Livre des Morts de l’Égypte ancienne, résonne en effet d’unissons et de canons oscillant entre rage guerrière et ferveur religieuse. Accompagné par un pianiste et un percussionniste jouant sur le même instrument, le chœur met un terme à la pièce par une frappe du pied.

Stefano Gervasoni(né en 1962) a recueilli les conseils de maîtres tels Nono, Kurtág, Ferneyhough, Eötvös ou encore Lachenmann. Son catalogue comprend une cinquantaine d’opus variés, à l’exclusion de toute forme de théâtre musical. Créé en 1995 par la formation alsacienne, dépourvue de chant, Bleu jusqu’au blanc se veut contemplative, mais jusqu’à un certain point : « tout est mis en boîte dans cette pièce (le ciel et la terre...), réduit et rendu minimal, ironisé et apprivoisé de façon ludique. Les procédés sont microscopiques et la pièce avance de répétition en répétition, renouvelant pas à pas les déclinaisons possibles d’un matériau infime […] ». La présence de sonnette électrique et de boîte à vache au milieu de la petite percussion ne suffit malheureusement pas à dynamiser une œuvre certes virtuose, mais qui devient vite monotone.

À Milan où il enseigne à son tour aujourd’hui, Ivan Fedele (né en 1953) a étudié en parallèle la musique et la philosophie. Création mondiale, son Stabat Mater, sans surprise, use d’un chant gémissant et plaintif que terminent des voix exclusivement féminines, accompagnées d’un gong. Tout au long de la pièce, la percussion se voudra feutrée (timbales, grosse caisse, marimba), égayée par quelques accents métalliques (cloches tubulaires).

Le concert se termine avec Luigi Dallapiccola (1904-1975) et Canti di Prigionia, soit trois chœurs composés entre 1938 et 1941, créés intégralement le 11 décembre 1941, à Rome, le jour même de la déclaration de guerre de Mussolini aux États-Unis. Deux pianos et deux harpes viennent rejoindre les formations mises en vedette pour ce pamphlet politique (contre le fascisme) autant qu’esthétique (contre le néoclassicisme).

LB