Chroniques

par irma foletti

Concours Opéra Raymond Duffaut Jeunes Espoirs
six candidats récompensés par la quatrième édition

Opéra Grand Avignon / Opéra Confluence
- 29 septembre 2018
six candidats récompensés comme Jeunes Espoirs à Avignon
© dr

La quatrième édition du Concours Opéra Raymond Duffaut Jeunes Espoirs se déroule cette année à l’Opéra Confluence, la structure provisoire proche de la gare TGV, pendant qu’en centre-ville se poursuivent les travaux du théâtre historique. Sur les quatre-vingt-dix-sept candidats inscrits pour les éliminatoires, douze ont été retenus pour la finale du samedi soir, répartis dans les trois catégories : Jeune Espoir, jusqu’à dix-huit ans, Jeune Talent, jusqu’à vingt-deux ans et Révélation, sous la limite d’âge de vingt-six ans. La manifestation bénéficie d’une marraine de choix en la personne de Julie Depardieu qui aime et fréquente régulièrement les salles d’opéra, malheureusement absente, pour raisons professionnelles… elle joue ce soir à Paris ! Dans un court message vidéo, elle adresse ses encouragements aux compétiteurs, leur indique que « …un concours, c’est formidable… et encore mieux lorsqu’on le gagne… ». Chacun approuve, autant dans la salle qu’en coulisses !

Parmi les trois concurrents de la catégorie Jeune Espoir, le prix est attribué à Clarisse Planchais (dix-huit ans) qui se sort sans encombre de l’air très fleuri Da tempeste (Händel, Giulio Cesare in Egitto). La musicalité est appréciable, les vocalises déliées, mais le timbre n’est pas des plus séduisants, ce que confirme le Lied Nur wer die Sehnsucht kennt de Wolf. La jeune chanteuse reçoit aussi le prix du Centre Français de Promotion Lyrique, à l’unanimité, mais ses deux collègues ne déméritent en rien : d’une part le contre-ténor Andréas Perez-Ursulet (seize ans) qui interprète un délicat À Chloris d’Hahn, puis Cold song (Purcell, King Arthur) mais, curieusement, dans sa voix naturelle de baryton alors qu’on attendait sans doute un remake de Klaus Nomi, et le soprano allemand Sophie Schwerthöffer (dix-huit ans), belle qualité de français dans Nuit d’étoiles de Debussy et timbre charmant en Pamina (Ach, ich fühl's, es ist verschwunden!), quoique sujette à de nombreux défauts d’intonation.

Entre quatre postulants, le prix Jeune Talent va au soprano Lisa Chaïb-Auriol (vingt ans) qui délivre, autant en Juliette de Gounod que Manon de Massenet, un chant appliqué, à la stabilité parfois légèrement hésitante, et brillant à de rares moments. On lui attribue aussi le prix du Grand Avignon ainsi que celui de la meilleure interprète du répertoire italien, suite à son interprétation de l'air d'Adina (Donizetti, L'elisir d'amore) lors de la demi-finale. Mais le grand prix de la soirée, celui de la Région Sud Provence Alpes-Côte d’Azur doté d’un chèque de 5000€, est donné à un autre candidat de la catégorie Jeune Talent, le ténor Jean Miannay (vingt-deux ans), timbre de couleur sombre et pincé par instants, mais au style élégiaque et au legato élégant, aussi bien dans Vainement ma bien-aimée (Lalo, Le roi d’Ys) que Dies Bildnis (Mozart, Die Zauberflöte). Pour notre part, le contre-ténor Rémy Bres-Feuillet (vingt-et-un ans) paraît tout aussi digne d’obtenir un prix, montrant une musicalité sans failles et des aigus cristallins dans Séjour de l’éternelle paix (Rameau, Castor et Pollux), puis faisant au mieux dans le redoutable Or la tromba (Händel, Rinaldo) où il montre un abattage certain mais pas toujours bien aidé par le piano qui a un peu de mal avec la folle virtuosité de la partition ! Il faut d’ailleurs saisir cette occasion pour remercier Hélène Blanic et Ayaka Niwano, les deux pianistes qui accompagnent alternativement les jeunes artistes.

On imagine que le jugement de la catégorie Révélation a suscité moins de discussions au sein du jury, le prix étant décerné au baryton Timothée Varon (vingt-six ans), idéal en Comte des Nozze di Figaro (Hai già vinta la causa), beau grain de voix, aigus vaillants dans la section finale, aux graves toutefois moins bien exprimés en Valentin du Faust de Gounod. On remarque aussi le ténor Julien Henric, déjà présent mais non primé l’année dernière [lire notre chronique du 30 septembre 2017] : il joue d’abord Hoffmann dans La légende de Kleinzach, puis délivre un magnifique È la solita storia del pastore (Cilea, L’Arlesiana), le sommet de la soirée pour beaucoup de spectateurs. Le ténor reçoit d’ailleurs le prix du Public, qu’il cumule avec le prix du Conseil Départemental de Vaucluse et celui de l’Orchidée, décernée par un jury spécial d’étudiants de l’Université Avignon Pays de Vaucluse. Le soprano Amandine Ammirati (vingt-cinq ans) fait aussi entendre un joli instrument dans son premier air, l’Ode à la lune (Dvořák, Rusalka), elle marque moins en Blanche dans Mon père, il n’est pas d’incident (Poulenc, Dialogues des carmélites). C’est aussi le cas pour le mezzo indien Ramya Roy (vingt-six ans), chanteuse très épanouie dans L’heure espagnole de Ravel (Ah ! La pitoyable aventure), mais bien à la peine pour suivre la cadence de la section finale du rondo Nacqui all’affanno (Rossini, La Cenerentola).

Valérie Chevalier, directrice de l’Opéra national de Montpellier, intervient en conclusion pour indiquer qu’elle ne décerne pas de prix, mais offre des concerts à quatre lauréats : Clarisse Planchais, Jean Miannay, Rémy Bres-Feuillet et Lisa Chaïb-Auriol. Au bilan, en comptabilisant prix et concerts, ce sont six candidats des douze finalistes qui sont récompensés.

IF