Chroniques

par david verdier

Claudio Abbado et l’Orchestre Mozart
Concerto en si bémol majeur K.595 par Radu Lupu

Piano**** / Salle Pleyel, Paris
- 11 juin 2013
Claudio Abbado et son Orchestre Mozart à Paris, avec Radu Lupu
© marco caselli-nirmal

Il est impossible de ne pas évoquer le passage de Claudio Abbado sur une scène qu'il venait d'embrasser quelques semaines plus tôt [lire notre chronique du 14 avril 2013]. Pleyel est comble pour la seconde soirée, l'assistance un rien moins mondaine que pour la précédente, étiquetée, il est vrai, « de gala ».

Autre programme et autre orchestre, également.
Cette fois, c'est l'Orchestra Mozart qui a les honneurs de jouer sous sa direction. La proximité des œuvres présentées ne produit pas l'impression de cohérence qu'on avait pu goûter avec le magnifique ensemble Schumann de l'an dernier (dont une Symphonie n°2 enregistrée et publiée récemment par DG).

L'Ouverture des Créatures de Prométhée Op.43 est curieusement en demi-teinte, comme vidée de sa substance. Rien de « prométhéen », en effet, dans ces alignements précautionneux de thèmes-personnages. Des cuivres un peu mats et des arrière-fonds trop retenus ne permettent pas de faire décoller l'interprétation au delà du convenable – ce qui est loin d'être satisfaisant quand on sait de quoi le chef milanais est capable dans ce répertoire.

Le jeu de Radu Lupu dans le Concerto pour piano en si bémol majeur K.595 de Mozart est caractéristique de ce qui semble être devenu une constante chez lui, à savoir une suspension extrême des tempi et l'impression de jouer pour lui un texte musical qui tourne à la récitation intime. Claudio Abbado joue admirablement les entremetteurs pour faire se correspondre des lignes qui sans lui sonneraient trop hasardeuses. Après un premier mouvement assez bougon et agité, c'est dans la cadence du mouvement lent que les ornements à la main droite se font graciles et irisés, comme tombant d'un arrière-monde qu'on croyait définitivement perdu. Le finale retrouve une vigueur salutaire qui file droit au but dans une explosion de joie. En bis, l'Andante cantabile con espressione de la Sonate en la mineur K.310 rejoint les sommets, imposant un silence absolu à un public impatient d'applaudir.

La seconde partie se présente sous la forme d'un jeu de chausse-trappe en trompe-l'œil entre le classicisme du Concerto pour trompette et orchestre en mi bémol majeur Hob.VIIe.1 de Haydn et la Symphonie en ré majeur Op.25 n°1 « classique » de Prokofiev. Dans le premier, le jovial trompettiste Reinhold Friedrich affronte avec le sourire un rarissime incident de piston. Le concert s'interrompt et, après un bref passage hors-scène, il entame une étourdissante démonstration pyrotechnique. Dire de cette partition qu'elle soulève d'enthousiasme serait mentir, malgré la maestria de l'interprète et l'accompagnement – pour le coup – superlatif d'Abbado.

Conclusion néo-classique, entre les faux menuets et gavottes désuètes de la symphonie de Prokofiev. Abbado fait la démonstration d'un art consommé de l'équilibre des lignes et des timbres, sans oser surjouer les « gags » sonores qui parcourent cette musique à l'ironie spirituelle.

DV