Chroniques

par laurent bergnach

Chopin s'invite aux Classical Awards
John Axelrod dirige Sinfonietta Cracovia

MIDEM / Palais des Festivals, Cannes
- 26 janvier 2010
John Axelrod dirige Sinfonietta Cracovia au MIDEM (Cannes, 2010)
© stefano bottesi

Avant-dernière d'une quarante-quatrième édition du Marché International du Disque et de l'Édition Musicale qui déplore moins la chute des ventes qu'une fréquentation en baisse (France 3 parle d'un millier de visiteurs en moins et du manque à gagner que cela occasionna à la région), cette journée se place dès 11h sous le signe de la Pologne. Une conférence de presse permet en effet aux directeurs des Instituts Fryderyk Chopin et Adam Mickiewicz de rappeler qu'après avoir sensibilisé ses voisins au dynamisme de sa culture – on se souvient d'un Stabat Mater de Szymanowski à Notre-Dame de Paris, en mai 2004, inaugurant la saison polonaise NOVA POLSKA et l'entrée du pays dans l'Union Européenne –, le royaume de la Vistule fêtera dignement, avec Chopin 2010, le bicentenaire de la naissance du compositeur à Żelazowa Wola (récital dans sa maison natale, en mars), Varsovie (Concours National de Piano qui porte son nom ; VIe Festival Musical International « Chopin et son Europe »), Wrocław, Poznań, Katowice, Bydgoszcz, etc.

Toujours dans l'idée de célébrer l'artiste et sa terre d'origine, nous retrouvons Sinfonietta Cracovia au MIDEM Classical Awards. Sous la direction de John Axelrod, son principal chef invité depuis bientôt dix ans, la formation ouvre la soirée avec la Chaconne du Requiem Polonais de Krzysztof Penderecki, au lyrisme contenu lentement teinté d'inquiétude, et la clôt avec l'opus 11 de Chopin. Élégants, gracieux et tragiques avant de gambiller, les musiciens sont en osmose avec le jeuneJan Lisiecki, pianiste de quatorze ans souvent récompensé et déjà rompu à la pratique du concerto. Comme soucieux de ne pas heurter, l'adolescent propose un jeu nuancé et tendre qu'on pourrait trouver parfois monotone. L'interventiona cappella des King's Singers représente la seule pause pour l’orchestre, tout en fluidité et limpidité.

En remerciant l'un sa femme, l'autre une fidèle équipe de techniciens, chacun rappelle l'importance de la famille de corps ou de cœur dans une carrière musicale. Ce soir, un hommage est rendu à l'aînée Mirella Freni – laquelle s'avoue touchée de recevoir cette distinction, des années après l'arrêt de sa carrière –, modèle pour tant de cadettes. C'est en tout cas ce qu'annonce, émue elle aussi, Marie-Nicole Lemieux qui, outre ses fonctions d'hôtesse aux côtés du journaliste James Jolly, livre la Chanson triste de Duparc avec une délicatesse recueillie.

Si certains boudent le banquet pour cause de concert à New York (Angela Hewitt), d'autres Artistes de l'année sont là pour recevoir la Harpe de l'Inspiration, trophée créé par Jan Dobrzański, et nous donner la mesure de leur talent. La blonde Elīna Garanča – c'est ainsi qu’avec humour elle explique son retard à venir retrouver le public – se glisse dans la peau de la brune héroïne de Bizet pour une Habanera charnue, à l'expressivité nuancée. Quant à lui, Gerhaher sert Mahler : rageur, mordant et par là-même douloureux, son Ich hab'ein glühend Messer détrône sans problème d'autres barytons (inexplicablement) à la mode. Enfin, dans la catégorie Révélation, José Franch-Ballester offre à l'œuvre de Debussy une clarinette légère et rêveuse lorsqu'elle ne s'ébroue pas.

On le sait, cette brillante cérémonie récompense avant tout enregistrements et labels – dont la participation au concours soutient, selon le Président du Jury, « l'expression de la reconnaissance et du respect envers les artistes ». Dans un palmarès qui attribue notamment à Nikolaï Demidenko et feu Dinu Lipatti le Prix Spécial Chopin 2010, quelques ombres furtives apparaissent. Indépendamment de la qualité des concurrents, parmi le choix pléthorique que propose une centaine de labels, comment le dit Jury s'arrange-t-il pour récompenser plusieurs fois Naïve (pour un récital de chant et comme Label de l'année) et pour placer une intégrale de l'œuvre orchestrale de Messiaen dans la catégorie Musique contemporaine ? Mystère…

LB