Chroniques

par hervé könig

Ariadne auf Naxos | Ariane à Naxos
opéra de Richard Strauss

Longborough Festival Opera
- 15 juillet 2018
Ariane à Naxos de Strauss au Longborough Festival Opera 2018
© matthew william-ellis

La tournée des festivals lyriques britanniques s’achève aujourd’hui, à ce même Longborough Festival Opera où nous avons vu la passionnante Traviata de Daisy Evans [lire notre chronique du 30 juin 2018]. À plusieurs reprises Richard Strauss s’est interrogé sur l’art lyrique à travers ses œuvres – quand ce n’était pas sur le quotidien conjugal du musicien (Intermezzo, 1924). Si le sujet de Capriccio (1942) est la suprématie de la musique sur le texte, comme nous le rappelait une représentation récente à Garsington [lire notre chronique du 28 juin 2018], celui d’Ariadne auf Naxos (1916) est l’opposition entre opera seria et opera buffa, puis la faculté d’adaptation des artistes. Dans les deux œuvres, brillantes mises en abyme, les acteurs de l’entreprise artistique sont les personnages de l’affaire – compositeur, maître de musique, producteur, maître de danse, etc.

L’ouvrage nécessite une maîtrise parfaite de l’énergie théâtrale qui se marie avec le rythme de l’action. Alan Privett dynamise le spectacle par une multitude de gags qui balisent une mise en scène survitaminée. On ne trouvera pas un instant sans une invention, quelle qu’elle soit. Le résultat est trépidant, mais suscite aussi le vertige. Les chanteurs ont un tas de trucs à faire et le public plus encore à regarder. On a sans arrêt la crainte d’avoir manqué quelque chose, la sensation qu’on aurait dû regarder dans cette direction plutôt que dans telle autre et ainsi de suite. Au fond, Privett prend nettement parti : il préfère la troupe de Zerbinette aux pamoisons d’Ariadne, et prend un malin plaisir à mener à son comble cette joyeuse anarchie. Tout est bon, y compris la scène de domination érotique avec son attirail cuir. La vivacité est l’avantage de cette version, la noyade son défaut principal. Le décor de Faye Bradley s’organise autour d’une énorme pelote de corde qui rappelle le mythe antique d’Ariane. C’est dans cet élément que vient se loger la tribu sérieuse.

À la tête du LFO Orchestra – qu’il a lui-même formé avec des instrumentistes de la région qui travaillent durant la saison dans des institutions réputées, tels le Welsh National Opera et le City of Birmingham Symphony Orchestra –, Anthony Negus dirige une exécution enlevée dont la sagacité domine la soirée. Il ne se contente pas de ce mouvement éberluant mais soigne les timbres dans une urgence qui tient du paradoxe. Nul doute que cette baguette soit précieuse aux chanteurs qui, pour la plupart, abordent leur rôle pour la première fois.

Helena Dix a tout ce qu’il faut pour incarner Ariadne : une grande voix, une projection facile et un côté diva qui est exactement dans l’esprit du personnage. La souplesse du phrasé est un atout de taille. Jonathan Stoughton est un Heldentenor en bonne et due forme : peu importe si Strauss a semé de récifs la partie difficile de Bacchus, il s’en joue sans problème. L’aigu est lumineux, l’inflexion flamboyante. D’abord vaillant, le héros évolue vers le sensible, ce qui nous vaut un duo amoureux absolument génial. La Zerbinetta de Robyn Allegra Parton est virtuose en diable ! Ce colorature pétillant impose un style d’une grande classe qu’on n’attendait pas là et qui rend le personnage plus attachant encore. Quels peps ! Bravo, également, au Komponist de Clare Presland, brillant et musical, doté d’un beau grave. Sans oublier le robuste Musiklehrer de Darren Jeffery et le jeune baryton Julien Van Mellaerts, agile et drôle en Harlekin !

HK