Chroniques

par gilles charlassier

Andrea Chenier | André Chénier
dramma di ambiente storico d’Umberto Giordano

Grand Théâtre, Genève
- 19 septembre 2011
Vincent Presle photographie Andrea Chénier, l'opéra de Giordano, à Genève
© gtg | vincent lepresle

Après avoir baigné dans le sang et inspiré les littéraires romantiques français, la Révolution Française s’est exportée de l’autre côté des Alpes pour servir de cadre à ce drame du vérisme naissant. Le synopsis est inspiré par la vie du poète André Chénier, guillotiné lors de la Terreur.

Madame de Coigny reçoit dans son salon la noblesse compassée et demande au poète présent de donner un exemple de ses talents. Gérard, le domestique, las de la servitude alors que ses origines plébéiennes lui rappellent que le peuple se meurt, fait entrer les crève-la-faim sous les dorures, prélude aux renversements à venir. John Dew a imaginé une scénographie chamarrée où les courtisans exhibent plumes et accoutrements hautement colorés, image probable de la superficialité des mondanités, le tout servi sur un plateau qui s’inclinera lorsque le peuple aura fait basculer la monarchie dans le chaos révolutionnaire, faisant glisser les privilégiés vers les coulisses du tiers-état qui faisait frissonner d’horreur l’abbé.

L’échafaud est installé en même temps que le régime révolutionnaire ; Chénier s’enfuit grâce à Gérard. La jalousie le fera cependant signer l’acte de mort du poète, déposé à l’avant de la scène et agrémenté d’une plume coupable, plus vraie que nature. Madeleine de Coigny vient intercéder auprès de lui, et, couchée comme sa mère morte, entonne son air le plus célèbre, livrant un exemple trop courant de méconnaissance de la physiologie du chant de la part du metteur en scène qui ne profite pas à la vraisemblance de la séquence. L’aristocrate déchue viendra trouver le poète en prison et tous les deux chanteront leur union dans le trépas, en une sorte de Liebestod renouvelé. Les praticables se resserrent sur les amants et le couperet tombe, rouge de justice expéditive. Gérard s’avachit de dépit sur l’écritoire.

Le plateau réuni a été passablement décrié, et il conviendrait presque de lui rendre les honneurs qu’il ne dévoie pas. Le rôle-titre est assuré par Zoran Todorovich, avec un sens de la compression nasale dans l’émission qui n’obère que modérément l’impact d’un timbre imparfaitement touché par la grâce. L’incarnation ne subit pour le moins aucun accident, à défaut de faire rayonner les aigus. Adina Nitescu rappelle Maria Callas dans l’acidité de la couleur mais, privée du génie tragique de la Grecque et de l’ampleur de sa voix, elle sert honorablement Madeleine de Coigny, avec une constance qu’il faut saluer. Mésestimé pour son manque de nuance, Boris Statsenko n’en éclaire pas moins le rôle de Gérard d’une présence indiscutable. Stefania Toczyska se succède à elle-même en comtesse de Coigny, puis Madelon, également assombries. Stuart Patterson se contente de l’incroyable et remet sa soutane d’abbé à Fabrice Farina. Carine Séchaye revêt les habits de la Bersi. Mentionnons les autres comprimari : Olivier Lalouette (Boucher), Marc Scoffoni (Pietro Fléville et Fouquier-Tinville), Daniel Djambazian (Mathieu), Khachik Matevosyan (le majordome et Dumas) et Wolfgang Barta (Schmidt).

À la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, John Fiore assure une conduite efficace. Les chœurs du Grand Théâtre remplissent leur office sous la houlette de Ching-Lien Wu. En dépit des réserves du public, l’ouvrage le plus célèbre de Giordano ne ressort pas amoindri dans sa légitimité à se maintenir au répertoire.

GC