Chroniques

par bertrand bolognesi

Alessio Bax et Lucille Chung – Les inAttendus
œuvres de Bach, Debussy, Mozart et Schubert

Festival de Salon-de-Provence / Abbaye de Sainte Croix
- 31 juillet et 1er août 2020
Les pianistes Alessio Bax et Lucille Chung jouent Debussy, Mozart et Schubert
© lisa-marie mazzucco

Deuxième rendez-vous du Festival de Salon-de-Provence où se réunissent des solistes d’exception à faire de la musique ensemble en bons camarades, ce récital à quatre mains – genre plus rare au concert qu’au salon – poursuit l’enchantement à l’œuvre ici-même, à l’heure du déjeuner [lire notre chronique du jour]. On retrouve Alessio Bax dans la partie prima de la Sonate en ut majeur K.521 de Wolfgang Amadeus Mozart, tandis que la seconda est servie par Lucille Chung. Le tonique enthousiasme de l’Allegro convainc d’emblée, magnifié par de précieux îlots de tendresse. Dans la touffeur estivale, une douceur déterminée marque avec une insistance bien venue l’Andante médian, bientôt gagné par un cantabile subtil. Une joie sans pareille s’active dans le Rondo conclusif (Allegretto).

Entre Lied et choral, l’Andantino varié en mi mineur D.823 n°2 de Franz Schubert (extrait du Divertissement sur des motifs originaux français) mène l’écoute dans une grâce dépouillée, par-delà le plaisant exercice de la variation. Aussi doit-on aux artistes une approche des plus sensibles.

Ils changent de poste pour le dernier opus au programme, à savoir la Petite Suite concoctée par Claude Debussy, maître ès sensualité, comme en témoigne En bateau, tout d’élégance. Une délicatesse particulière habite Cortège, ouverte sur un Menuet à la clarté charmeuse. Du roboratif Ballet final, on gardera longtemps la saveur ineffable de la danse molle en cœur de mouvement. De ces pages familières bien que principalement entendue au disque, pianistes et décideurs partageant une même tiédeur à les présenter, nous goûtons les délices qu’en offrent Lucille Chung (prima, cette fois) et Alessio Bax (seconda), fort inspirés.

Passée la surprise d’un instrumentarium inhabituel qui promettait beaucoup – sortir des sentiers battus jamais ne nous fait peur –, Die Kunst der Fuge BWV 1080 de Johann Sebastian Bach s’accommode assez difficilement, le lendemain à midi, d’un abord paradoxalement raide et trop souple, si l’on peut dire. Le trio Les inAttendus conjuguent violon baroque, basse de violon et accordéon, ce dernier pouvant certes faire office de positif, imaginait-on avant le lever de rideau. Il n’en est rien, le jeu historiquement informé des deux premiers, maladroit héritier des premiers pas du renouveau baroque d’il y a plus de quatre décennies, ne se confrontant guère avec avantage à l’implacable fixité du souffle du troisième. Gageons toutefois que l’expérience mérite d’être approfondie.

BB