Chroniques

par nicolas munck

étudiants du CNSMD de Lyon
œuvres de Benjamin, Crumb, Goehr, Louvier, Messiaen et Murail

Festival Messiaen au Pays de La Meije / Église de La Grave
- 1er août 2013
le compositeur nord-américain George Crumb
© dr

Après la conférence [lire notre chronique du jour], le concert préparé par Florent Boffard (assurément bien actif sur le festival) est donné par quatre jeunes instrumentistes du CNSMD de Lyon : la flûtiste Eva-Nina Kozmus (élève de Philippe Bernold, Julien Beaudiment et Gilles Cottin), la clarinettiste Louise Marcillat (classes de Nicolas Baldeyrou et Robert Bianciotto), le violoniste Tristan Liehr (classes de Vladimir Nemtanu et Kazimierz Olechowski) et le pianiste Antoine Ouvrard (élève de Florent Boffard). Si depuis sa précédente édition le festival entretient un partenariat fructueux avec le CNSMD de Paris (les étudiants de la Villette y donnaient deux concerts les 29 et 30 juillet) et son troisième cycle DAI (Diplôme d’Artiste Interprète, Répertoire contemporain et création), c’est la première année que les pupilles de l’institution lyonnaise se produisent à La Grave. Saluons ici la bienveillance et la générosité de Gaëtan Puaud (directeur artistique) qui ouvre la manifestation à la jeune génération et lui donne ainsi la chance d’y faire ses armes.

À ce premier éloge, ajoutons qu’en plus de faire confiance à ces jeunes gens le Festival Messiaen au Pays de La Meije prend le risque (atténué, certes, par la spécificité de son public) d’accepter des œuvres peu jouées. Nos Lyonnais ont donc concocté un menu, du solo au quatuor, constitué d’opus d’Olivier Messiaen (Le merle noir, pour flûte et piano, 1952), de Tristan Murail (Les ruines circulaires, pour clarinette et violon, œuvre créée dans le cadre de l’édition 2006 du festival), d’Alexander Goehr (Suite pour violon et piano Op.70 donnée en création française), de George Benjamin (Flight, pour flûte solo, 1979), d’Alain Louvier (Toccata di Luce, pour violon et piano, 1997) et les Eleven Echoes of Autumn (1966), en clôture de programme, du compositeur nord-américain George Crumb, sur des bribes textuelles de Federico García Lorca, soufflées par les instrumentistes.

Le merle noir – pièce désormais incontournable du répertoire de la flûte, composée en 1952 pour le concours du Conservatoire de Paris –, saisit aussitôt par la présence d’Eva-Nina Kozmus qui, dans une différenciation parfaite des attaques et modes de jeu, en livre le profil avec beaucoup de clarté (et un son très pur), parfaitement bien adapté à son registre expressif. Elle est accompagnée avec beaucoup d’intelligence par Antoine Ouvrard qui, avec une attention toute particulière portée au discours harmonique, recherche fusion et investissement optimal de l’environnement acoustique. L’entente est parfaite.

Intégré au cycle Portulan, pour huit musiciens, Les ruines circulaires de Tristan Murail présentent un contexte de musique de chambre bien différent. Cette œuvre ménage avec beaucoup d’économie et de subtilité l’association violon/clarinette (d’abord ponctuelle) entre « rêve » et « affrontement » (pour reprendre les mots du compositeur). Cette situation « chambriste alternée » donne l’occasion d’observer successivement les qualités de ce nouvel équipage dans une pièce aux exigences multiples. Louise Marcillat accroche l’oreille par un son intense et incisif, jamais saturé (y compris dans les registres dynamiques les plus élevés) et dans une intention de phrasé permanente. Tout aussi virtuose et contrôlé, le jeu de Tristan Liehr interpelle par sa « propreté », son assise et un flegme impressionnant – hommage involontaire au Jardin anglais ?... Ces qualités individuelles nuisent en rien à la construction de l’ensemble qui fonctionne avec beaucoup de lisibilité.

Au tracé plus « bruitiste », les Eleven Echoes of Autumn de George Crumb [photo] referment le programme dans une présentation de l’effectif au grand complet. Musique brisée, désarticulée, en copeaux, de l’« infiniment petit », ces onze échos développent une écriture dans laquelle tout semble se mettre en place dans la résonnance et les modes de jeu d’un piano générateur de sons. Nos quatre musiciens en livrent une fort belle version, très connectée, où le sérieux et la qualité de préparation sont bien palpables.

NM