Chroniques

par bertrand bolognesi

« La musica è tutta relativa »...
cycle Berio | Bach, concert 2

Cité de la musique, Paris
- 11 mars 2004
le compositeur italien Luciano Berio, à l'honneur d'un cycle qui croise Bach
© dr

Il n’est encore pas si fréquent de pouvoir entendre Laborintus II au concert. L’œuvre date de 1965, époque où Luciano Berio explore diverses vocalités qui le mènent du violent Passaggio (1961) au truculent A-Ronne (1975) en passant par la célébrissime Sinfonia (1968). Quelques semaines avant le cycle Moyen Âge (du 30 mars au 4 avril), le labyrinthe médiéval, mais aussi le labor intus littérale sont on ne peut plus d’à propos.

« La musica è tutta relativa »...
Si l’œuvre n’a pas pris une ride, l’exécution de ce soir n’est pas pleinement satisfaisante. Il est avéré que Laborintus II n’est pas facile à réaliser. On le constate à plusieurs reprises : les balances restent fragiles, la dynamique difficile à percevoir de l’intérieur, etc. Cela dit, Jonathan Nott signe indéniablement une lecture peu soignée, en plusieurs points comparable à sa prestation dans le Concerto de Grieg il y a un mois [lire notre chronique du 6 février 2004]. Si l’on reconnaît une lisibilité et un vrai sens rythmique, de même avoue-t-on son manque d’intérêt pour les équilibres. Apparemment peu sensible à la construction, à la couleur, à la pensée qui régit les échanges, le chef produit une version globalement bruyante qui rend mal compte de l’écriture vocale. Il y a bien un travail de nuances, mais par grandes sections, jamais dans le détail. Il réalise ce qui est écrit, mais uniquement ce qui est écrit, sans écouter, comme si l’approche s’interrompait avant le concert et que la réalité du déroulement de celui-ci n’ait aucune incidence sur le résultat. Tout porte donc à croire que le musicien représente ce qu’il a préparé. Si l’interprétation d’Anne Manson, elle aussi à la tête de l’Ensemble Intercontemporain, connaissait d’autres soucis, on en garde un meilleur souvenir (septembre 1997, ici même).

... « La musica è tutta relativa »
La première partie de cette soirée se consacrait à trois motets de Johann Sebastian Bach donnés par Accentus sous la direction experte de Laurence Equilbey. Dès Komm, Jesus, komm BWV 229, on goûte la construction soigneusement dosée de l’interprétation. Attention, toutefois, à certaines attaques aiguës souvent un peu trop montrées du doigt. Un travail de climat d’une grande finesse transcende le vaste Jesu, meine Freude BWV 227, brillant de précision, superbement expressif (« Ob gleich Sünd und Hölle schrecken... ») et volontiers délicat (« Denn das Gesetz des Geistes.. »), qui vole au dessus du temps dans l’énigmatique fugue centrale (« Ihr aber seid nicht fleischlich... »). Enfin, on admire l’énergie entretenue dans Lobet den Herrn, alle Heiden BWV 230, jusqu’à l’Alleluja dignement retenu qui, en toute sagesse, n’exulte pas. Une seule réserve : on aimerait profiter un peu plus des instruments.

BB